domingo, agosto 5

Pia Fries, Lucerne / Suíça - pintora contemporânea

Untitled Nr. K2 (2002), oil and silkscreen on paper

Untitled Nr. 24 (2000), oil on paper

Untitled Nr. 22 (2000), oil on paper

Monstand (2003), oil and silkscreen on panel

Boundary (2001), oilcolour and silkscreen on wood

Bellmund, oilcolour and silkscreen on wood

Sonloup (2002), oilcolour and silkscreen on wood

Vigneron (2002), oilcolour and silkscreen on wood

Lizard (2001), oilcolour and silkscreen on wood

Gambetta (2002), oil and silkscreen on panel

Palimpsest-LM (2005), oil and silkscreen on wood panel

Palimpsest-GG (2005), oil and silkscreen on wood panel

Palimpsest-SF (2005), oil and silkscreen on wood panel

Dover Book 1 (2005), oil and silkscreen on wood panel


Musselin 12 (2004), oil and silkscreen on panel

Musselin 7 (2004), oil and silkscreen on panel

Les Aquarelles de Leningrad, (series A), oil and
facsimile on wood panel

Les Aquarelles de Leningrad, (series B, III) 2005,
oil and facsimile on wood panel

Les Aquarelles de Leningrad (series B) 2005, oil
and facsimile on wood panel

Les Aquarelles de Leningrad (series B, II) 2005, oil
and facsimile on wood panel

Pia Fries nasceu em 1955, em Beromünstern, na Suíça e reside em Düsseldorf, na Alemanha.

Crítica:
* *
Sans doute l’amateur d’un langage pictural subtil sera-t-il irrité par l’élément de provocation que contiennent les tableaux de Pia Fries. Ces derniers — à l’inverse de la peinture « essentialiste » (1) qui est déploiement de nuances et de modulations délicates — confrontent le spectateur à l’opulence d’une prolifération d’empâtements qui, sous forme de bourrelets de peinture, décrivent d’amples mouvements devant le fond rigide et blanc du support de bois. Le support de bois n’absorbe pas la couleur comme le ferait la toile et, de ce fait, se comporte davantage comme une scène de théâtre sur laquelle évoluerait une peinture à tous égards ostentatoire. Aussi peut-on dire d’une manière générale, qu’il s’agit ici d’un art “extraverti”, dont le langage est à la fois directement physique et résolument sensuel. Mais, si Pia Fries maîtrise certes son médium avec un degré suprême de raffinement — sujet sur lequel il conviendra de revenir — le raffinement n’est aucunement sa préoccupation majeure. Le degré élevé d’organisation de ses tableaux — pour ne pas dire leur « composition sophistiquée » — sert de faire valoir à un concept que décrivent au mieux les qualificatifs de « physique », « triomphant » et « exhibitionniste ». Aussi peut-on dire que Fries met en scène la pleine volupté de la peinture avec une franchise qui vise moins à séduire le spectateur qu’à l’interpeller.
Marsyas
Dans la mythologie grecque, Marsyas — dieu phrygien du fleuve — a osé défier la déesse Athena dans un concours musical. Battu, le dieu du fleuve recevra une punition terrible : il sera écorché vif. Ce supplice de Marsyas a de tout temps été illustré en peinture ; il a notamment fourni à des artistes comme Rubens ou Titien l’ occasion par excellence de “peindre la chair à vif”, de se livrer en somme à une forme de peinture littérale, physique, non sublimée, régressive. Ces maîtres pouvaient ainsi, momentanément, oublier la fonction didactique, édificatrice de la forme. Et, cette liberté, des générations successives d’artistes s’en sont emparées comme allant de soi. Plus près de nous c’est avec Van Gogh et les Expressionnistes allemands que l’aspect physique — matériel — de la peinture fut réhabilité et considéré comme expression artistique à part entière. Le dépècement de Marsyas — ou plus exactement sa représentation — peut être interprétée comme revendication de liberté — voire libération — qui, à son tour, donna le jour à une peinture « crue », « à vif », physique et charnelle. Pia Fries fait sans aucun doute partie des adeptes d’une « peinture pure » ainsi définie. Née en Suisse, cette artiste élève de Gerhard Richter, fit ses premières armes au début des années quatre-vingt sous le signe de la figuration. A quelque temps de là implosait la couleur, sonnant en quelque sorte le glas de l’illusionnisme pictural ou si l’on préfère « peau » de la peinture. Aussi, depuis le milieu des années quatre-vingt les tableaux de Fries sont-ils devenus des tableaux-objets (Bildobjekte), qui sont l’empire de la pleine pâte. Ses crevasses et plissements géologiques ont, pour quantité d’interprètes, évoqué le paysage, association renforcée il est vrai par les couleurs telluriques de quantité de ses travaux. Mais à cette époque interprètes et spectateurs spéculaient sur un système de références dont la définition était encore très vague et que la décennie suivante, allait totalement escamoter. Car chez Pia Fries, les empâtements plus épais, associés à une palette elle aussi plus intense allaient désormais renforcer le solipsisme d’une peinture qui ne fait référence qu’à soi-même et veut, avant toute chose, être l’expression d’un art plastique tout de matérialité.
Mondrian
C’est pourquoi l’art de Pia Fries se définit, comme on l’a judicieusement remarqué (2), comme « peinture concrète » et résolument pas comme peinture « géométrique ». La peinture de Pia Fries s’est libérée du corset de la forme aussi le néoplasticisme de Piet Mondrian apparaît-il comme l’antithèse la plus radicale de sa position. Alors que Fries laisse la couleur proliférer, se répandre et se coaguler, Mondrian la dilue avant de l’emprisonner dans de lisses aplats géométriques, qui orchestrent la polychromie de la composition. Chez l’artiste hollandais la couleur est subordonnée à un graphisme linéaire qui en détermine la fonction spécifique. Jamais chez lui, le pigment ne revendique cette autonomie des empâtements de Pia Fries qui — peignés, découpés, écrasés au couteau à palette, travaillés à la spatule, puis de nouveau tailladés — sont domptés au prix d’un grand déploiement balistique, qui rend compte finalement de l’étonnante articulation de leur morphologie.
Cette synergie de la couleur et de la forme isole les tubérosités ou excroissances chromatiques et leur confère autonomie dans le tableau. Ceci pourrait très bien donner le sentiment, comme au reste quantité de travaux récents, d’un règne de l’anarchie car il n’est, de toute évidence, pas question de laisser ici triompher la forme ou la composition sur la fluidité musclée des masses de couleur.Cette démarche délibérée de l’artiste est illustrée par « bumiller », oeuvre peinte en l’an 2000. On voit dans la moitié droite de celle-ci une forme encadrée d’un jaune orangé. Au regard des cascades de couleur qui déferlent sur le tableau et des éventails crémeux de peinture à l’huile, ce rectangle approximatif n’est pas simplement un « rappel dans la marge » ou « footnote » ; il symbolise ironiquement l’échec d’une discipline formelle qui prétendrait vouloir subordonner l’autonomie articulée de la couleur, ou si l’on préfère l’autonomie du matériau peinture. A l’énergie de ce « matériau peinture », ce rectangle n’a pas grand chose à opposer. Il doit en conséquence se satisfaire du rôle secondaire de contrepoint silencieux des circonvolutions et de la formidable chorégraphie des grandes plages de couleur. Au lieu d’affecter ou limiter les énergies de ces dernières, la citation géométrique renforce par effet de contraste l’impression de générosité expérimentale que médiatisent les parcours diversement modelés de la couleur dans « bumiller ». La forme ne se donne plus ici comme une discipline imposée de l’extérieur, elle est davantage le fruit d’une quête expérimentale d’articulation autonome du « matériau couleur ».
Rodin
On attribue à Rodin ce mot célèbre : « la sculpture est un art de creux et de bosses» et la formule décrit bien l’orchestration des volumes plastiques qui caractérise les travaux de la maturité du maître. La sculpture — bien avant la peinture — s’est affranchie du primat de la forme pour donner la parole à la matérialité du médium. Qu’il s’agisse d’argile, de bronze ou de marbre, peu importe : tous ces instruments de l’expression artistique sont au départ matière, matériaux. A un stade ultérieur, ils deviennent artefacts et véhicules de messages spirituels. La peinture ne fonctionne pas différemment : elle possède elle aussi des qualités physiques et Pia Fries sait mettre celles-ci en valeur de façon magistrale. C’est pourquoi ses tableaux s’inscrivent dans l’entre deux qui sépare l’image du relief. Mais, comme le montrent ses œuvres très récentes qui ont simultanément recours à la peinture à l’huile et à la sérigraphie acrylique, ce domaine intermédiaire est également zone de transition entre l’illusion et la réalité.
« Dimrock »
« Dimrock » est le titre d’une œuvre qui vit le jour entre la fin de 2001 et l’aube de 2002 et que l’on peut considérer comme la meilleure illustration des dernières étapes franchies par l’artiste. Sur le fond blanc d’aggloméré figurent, ici et là, des images photographiques (sérigraphiées) identiques mais diversement colorées. Ces images représentent des amoncellements de couleur semblables aux amas de crépon adhésif que l’on a pu voir dans d’autres tableaux et dont la présence dans un atelier d’artiste n’a rien d’insolite. Pia Fries s’est emparée de cette icône et en fait un leitmotiv qu’elle traite avec le plus grand soin.C’est ainsi qu’avec la technique de la sérigraphie une citation picturale bi-dimensionnelle accède à son tableau où l’économie de la composition lui confère un rôle non négligeable. Plus exactement même, ces citations photographiques sont le point de départ d’un procédé formel dans lequel les empâtements de peinture à l’huile et la transparence de l’acrylique contrastent de façon intéressante avec l’impression photographique (dont la facture est élémentaire). Le procédé se révèle à l’évidence dans le tiers supérieur droit de “Dimrock” où l’on voit une forme jaune allongée agrafée de noir adopter la valeur chromatique de la sérigraphie jaune qui, elle, sort du décor par le bord supérieur du tableau. La direction de la forme allongée est infléchie par cette dernière. Cette configuration jaune (peinture et sérigraphie confondues) se lit comme un angle obtus dont l’axe gauche serait dirigé vers l’impression photographique d’un jaune plus clair, située dans la moitié gauche du tableau. Cette image photographique est à son tour enduite d’une lasure qui jette un pont entre le haut du tableau et la structure picturale complexe située dans l’angle inférieur gauche.
Ainsi conduit de droite à gauche dans le tableau, le regard du spectateur appréhende l’œuvre par étapes successives et non dans la simultanéité. Les œuvres de Fries, aussi expressives soient-elles, ne sont jamais l’aboutissement d’un projet délibérément prémédité. Elles sont le résultat de variations successives sur un thème initial ou préliminaire. Depuis peu ce sont les motifs, formes et couleurs de la sérigraphie qui constituent l’élément premier de la démarche et leurs inflexions chromatiques et formelles se prêtent à la paraphrase ou variation. C’est ainsi que voient le jour les plages colorées mentionnées plus haut, tantôt sous forme d’aplats, tantôt sous forme d’empâtements dont le dialogue anime les oeuvres. Si les circonvolutions et balafres circulaires sont ici majoritaires c’est que Fries se refuse à toute tentation tectonique — architecturale — géométrisante. La nécessité d’une composition rigoureuse fait loi, mais les tableaux qui inclinent parfois au baroque sont exempts de ces lois de la pesanteur qui régissent la statuaire et que l’on serait en droit d’attendre d’une construction figurative solide. A l’évidence il importe davantage pour Fries de montrer la genèse de l’œuvre, de souligner les étapes d’une évolution qui semble se suffire à elle-même, qui semble être une fin en soi. Ses œuvres refusent de se plier aux diktats d’un achèvement formel et, par conséquent, se définissent davantage comme “travaux en gestation” (“works in progress”). Elles procurent une impression de nouveauté et de fraîcheur telles semblent comme achevées à l’instant même. Les stigmates laissés par la spatule, le râteau, et le couteau à palette sont en effet des plus visibles, et témoignent d’un corps à corps avec le matériau dont la trace reste vivante dans l’œuvre achevée.
C’est de cette manière que les œuvres — en termes de création picturale et plastique — livrent simultanément au regard les étapes de leur genèse et l’aboutissement de celle-ci. Cette plasticité, au sens où l’entend Pia Fries, n’est pas le résultat du seul acte de “peindre” compris comme sensibilité chromatique et coordination d’éléments formels, mais consiste aussi bien à malaxer, taillader, gratter, coller et panacher les techniques. Sans cesse une entaille ou un nouvel énoncé chromatique vient s’interposer au courant engendré par la synergie des forces les plus diverses. A première vue, le regard est capté par cette crudité de la chair picturale décrite plus haut, par l’exhibitionnisme des couleurs. Un examen atttentif révèle le second degré “conceptuel” de l’œuvre : les subtilités structurelles auxquels Fries a recours pour mettre en scène cette peinture crue, cette matière à vif. Qu’il se détrompe celui qui est tenté de voir dans l’oeuvre de Pia Fries l’autel sacrificiel ou le champ de bataille sur lequel le médium « peinture » a rendu l’âme, car on est ici en présence d’un hommage. Un hommage à la force élémentaire d’une peinture qui s’est affranchie des conventions et contraintes extérieures.
Christoph Schreier,
Galerie Rodolphe Janssen, Brussels

Sem comentários: